Un contrat de maintenance informatique lié à la fourniture d’un logiciel comporte, comme tout contrat, un certain nombre d’obligations que le prestataire est tenu de respecter.
De plus, le droit français impose aux cocontractants une obligation générale de bonne foi qui doit toujours mener les parties à agir avec diligence et loyauté dans le cadre de leurs relations contractuelles.
Tout manquement fait courir au prestataire un certain nombre de risques.
Un éditeur en a récemment fait les frais, comme l’expose un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 15 avril 2022.
En apparence, un préavis non respecté et une facture impayée
Cet éditeur fournissait depuis 2005 un progiciel CRM à un client. En complément, ce client avait également souscrit un contrat de maintenance annuel, renouvelable chaque année par tacite reconduction.
Après plus de onze années de relations contractuelles, le client décidait pourtant de mettre fin au contrat. Il en informait l’éditeur par courrier de résiliation du 9 mai 2017, avec effet rétroactif au 31 décembre 2016.
Problème: le contrat imposait un préavis de 30 jours avant la fin de chaque échéance (à savoir avant le 31 décembre de chaque année).
Le client n’avait donc pas respecté ce préavis.
Pour l’éditeur, le client restait par conséquent redevable du paiement du contrat de maintenance pour l’année 2017.
Le client refusant de payer, l’éditeur le poursuivit en justice afin d’obtenir le paiement de la facture correspondante d’un montant de près de 20.000 euros.
Contre toute attente, les juges ont écarté ses demandes.
Pour quelle raison ?
Tout simplement parce qu’en réalité, la résiliation du contrat par le client ayant occasionné le préavis tardif n’était que la conséquence des manquements de l’éditeur à ses propres obligations.
En réalité, une exécution défaillante du contrat par l’éditeur
Le contrat prévoyait des dispositions spécifiques dans l’hypothèse où l’éditeur procéderait à la mise sur le marché d’une nouvelle version majeure.
En particulier, le contrat prévoyait que l’éditeur était tenu de notifier à ses clients ce type d’évènement pour permettre à ceux-ci de se positionner, soit en migrant vers la version majeure, soit en mettant fin au contrat, la maintenance des anciennes versions n’étant plus assurée au-delà un certain délai.
Or ici, l’éditeur avait mis sur le marché une nouvelle version majeure en 2014 mais n’en avait jamais informé son client …
Ce n’est qu’en octobre 2016, lorsque le client lui a finalement posé des questions à ce sujet que l’éditeur l’informait finalement de l’existence de cette nouvelle version, dont le client demandait alors un CD d’installation.
L’éditeur ne lui a jamais répondu.
Ce n’est que 2 mois plus tard, en décembre 2016 que l’éditeur, sortant enfin de son silence, proposait finalement au client une offre commerciale pour la vente et la maintenance de la nouvelle version du progiciel.
Dans ce contexte, les juges ont considéré que l’éditeur n’avait pas respecté ses obligations contractuelles.
Tout d’abord, parce qu’il avait omis d’informer son client de l’existence d’une nouvelle version du progiciel, alors qu’il y était tenu en vertu du contrat de maintenance.
Mais aussi, plus généralement, parce qu’il avait fait preuve de négligence dans le cadre de la relation contractuelle. Sur ce point, les juges ont d’ailleurs considéré qu’au regard de ces circonstances, le retard du préavis du client était justifié.
Or les juges assimilent cette négligence à un manque de bonne foi, qui est condamnable.
Conséquence pour l’éditeur : ses demandes sont intégralement rejetées.
On peut juger la décision sévère.
Sévère parce qu’in fine, aucun reproche n’était fait à l’éditeur sur la maintenance du progiciel en elle-même, alors qu’il s’agissait in fine du coeur de sa prestation.
Néanmoins, cette décision a pour mérite de rappeler aux professionnels la nécessaire vigilance dont ils doivent faire preuve dans l’exécution des prestations auxquels ils se sont engagés.
Recommandations
Pour éviter ce type de déconvenues, il est essentiel que le prestataire maîtrise le contenu de ses contrats de maintenance.
Il doit en effet parfaitement connaître les obligations à sa charge, afin d’en assurer la bonne exécution auprès de ses clients en temps voulu.
Cela doit aussi l’inciter en amont à négocier un accord adapté non seulement aux exigences du client mais aussi à ses propres impératifs.
Enfin, il est recommandé de toujours adopter une attitude professionnelle et diligente avec ses clients.
Si cela peut paraître une évidence d’un point de vue commercial, la décision exposée rappelle qu’une attitude négligente – assimilée par les juges à un manque de bonne foi – peut également engendrer des conséquences juridiques négatives.
Pauline Kubat – avocate au Barreau de Lyon
Cet article a pour objet d’apporter une information générale sur le sujet abordé. Pour votre problématique spécifique, un conseil spécialisé est recommandé.