La nouvelle garantie légale de conformité pour les contenus et services numériques

28 Oct 2021 | Économie numérique

L’ordonnance n°2021-1247 publiée le 29 septembre 2021, qui vient transposer en droit de la consommation français les directives européennes (UE) 2019/770 et (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 instaure une nouvelle garantie légale de conformité spécifique aux contenus et services numériques.

Retour sur ce nouveau régime, dont les dispositions sont applicables dès le 1er janvier 2022.

L’ordonnance n°2021-1247 prévoit l’introduction aux articles L224-25-12 à L224-25-32 du code de la consommation de cette nouvelle garantie spécifique aux contenus et services numériques, distincte de la garantie légale de conformité « classique » applicable aux contrats de vente de biens (cette dernière étant elle-même partiellement remaniée par l’ordonnance).

Avant tout, il est intéressant de noter que cette nouvelle garantie s’applique « à tout contrat par lequel un professionnel, ou toute personne se présentant ou se comportant comme tel, fournit un contenu numérique et un service numérique au consommateur, et ce dernier s’acquitte d’un prix ou procure tout autre avantage au lieu ou en complément du paiement d’un prix » (nouvel article L224-25-2).

Par conséquent, ces règles ont également vocation à s’appliquer dans le cadre de marchés bifaces où le consommateur use gratuitement de contenus ou services numériques en contrepartie de la transmission de certaines données personnelles utilisées ensuite à des fins publicitaires (modèle fréquemment utilisé par les plateformes de réseaux sociaux).

Voici les éléments principaux de cette nouvelle garantie légale de conformité spécifique aux contenus et services numériques.

Une définition renouvelée de la conformité

Le nouvel article L224-25-13 prévoit désormais que :

« Le contenu numérique ou le service numérique est conforme au contrat s’il répond notamment, le cas échéant, aux critères suivants :
1° Il correspond à la description, au type, à la quantité et à la qualité, notamment en ce qui concerne la fonctionnalité, la compatibilité, l’interopérabilité, ou toute autre caractéristique prévue au contrat ;
2° Il est propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, porté à la connaissance du professionnel au plus tard au moment de la conclusion du contrat et que ce dernier a accepté ;
3° Il est fourni avec tous les accessoires, y compris l’emballage, les instructions d’installation, ainsi que l’assistance à la clientèle, devant être fournis conformément au contrat ;
4° Il est mis à jour conformément au contrat.
 »

Le nouvel article L224-25-14 précise également que le contenu numérique ou le service numérique est conforme s’il répond aux critères suivants :

  • Il est propre à l’usage habituellement attendu d’un contenu ou d’un service numérique de même type ;
  • Il possède les qualités présentées par le professionnel sous forme de version d’essai ou d’aperçu avant la conclusion du contrat ;
  • Il est fourni sous la version la plus récente disponible ;
  • En cas de fourniture continue, il est fourni un service sans interruption ;
  • Il est fourni avec tous les accessoires, instructions d’installation et assistance à la clientèle ;
  • Il est fourni avec les mises à jour que le consommateur peut légitimement attendre ;
  • Il correspond à la quantité, à la qualité et aux autres caractéristiques, y compris en termes de fonctionnalité, de compatibilité, d’accessibilité, de continuité et de sécurité que le consommateur peut légitimement attendre eu égard à sa nature ou aux déclarations publiques faites par le professionnel.

Cette nouvelle définition apporte des précisions utiles et adaptées à la spécificité des contenus et services numériques, notamment au regard des critères mis en avant de fonctionnalité, compatibilité, interopérabilité, accessibilité, continuité et sécurité.

Précision non négligeable, le nouvel article L224-25-15 prévoit qu’un manquement du professionnel à ses obligations en matière de protection des données personnelles lui incombant en vertu du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 (« RGPD ») et de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés entraînant le non-respect d’un ou plusieurs des critères de conformité détaillés aux nouveaux articles précédents L224-25-13 et L224-25-14 est assimilé à un défaut de conformité.

Le contenu de la garantie

Le nouvel article L224-25-12 impose au professionnel de fournir un contenu ou un service numérique conforme au contrat et doit en conséquence :

  • Répondre des défauts de conformité existants au moment de la fourniture pour les défauts apparaissant dans un délai de deux ans à compter de la fourniture du contenu ou du service en cas de fourniture ponctuelle ;
  • Répondre des défauts de conformité apparus au cours de la période de fourniture du contenu ou du service prévu au contrat en cas de fourniture continue ;
  • Répondre des défauts de conformité résultant de l’intégration incorrecte du contenu numérique ou du service numérique dans l’environnement numérique du consommateur, lorsque cette intégration a été réalisée par le professionnel ou sous sa responsabilité ou encore par le consommateur selon les instructions du professionnel.

Le nouvel article L224-25-16 détermine les règles en matière de preuve :

  • Les défauts de conformité apparus dans un délai de 12 mois à compter de la fourniture sont présumés exister au moment de cette fourniture, sauf preuve contraire ;
  • En cas de fourniture d’un contenu ou service numérique pendant une période continue déterminée, il appartient au professionnel de démontrer que le contenu ou service était conforme au cours de la période contractuelle en cas de défaut apparaissant pendant cette période ;
  • Le professionnel n’est pas responsable du défaut de conformité s’il démontre que celui-ci résulte d’une incompatibilité entre le contenu ou service numérique et l’environnement numérique du consommateur lorsque que ce dernier a été dûment informé des exigences techniques de compatibilité avant la conclusion du contrat.

Outre le dernier point, qui constitue une limitation bienvenue de la responsabilité du professionnel en cas d’incompatibilité des contenus ou services numériques avec l’environnement numérique du consommateur, le nouvel article L224-25-16 impose également au consommateur un devoir de coopération avec le professionnel pour déterminer l’existence d’une telle incompatibilité, sous peine d’inversion de la charge de la preuve.

La mise en œuvre de la garantie

Les conditions de mise en œuvre de la garantie, établies aux nouveaux articles L224-25-17 à L224-25-23, sont les suivantes :

  • En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit à la mise en conformité du contenu ou du service numérique ou, à défaut, à la réduction du prix ou à la résolution du contrat ;
  • Le consommateur est en droit de suspendre le paiement de tout ou partie du prix ;
  • La mise en conformité est réalisée sans frais pour le consommateur et sans retard injustifié ;
  • Le professionnel peut refuser de procéder à la mise en conformité si celle-ci est impossible ou entraîne des coûts disproportionnés, ce dont il justifie par écrit ou sur support durable ;
  • Il y a lieu a réduction du prix ou résolution du contrat dans les cas suivants :

-Lorsque le professionnel a refusé de procéder à la mise en conformité ;

-En cas de retard injustifié de la mise en conformité ou si celle-ci présente des frais ou inconvénients majeurs pour le consommateur ;

-En cas de persistance du défaut de conformité malgré une tentative de mise en conformité par le professionnel ;

-En cas de défaut de conformité grave, justifiant la réduction du prix ou résolution immédiate du contrat sans que le consommateur soit tenu dans ces circonstances de solliciter au préalable la mise en conformité du contenu ou du service.

Le nouvel article L224-25-28 précise utilement que toute période d’immobilisation ou d’indisponibilité du contenu ou du service en cas de mise en conformité suspend la garantie restant à courir jusqu’à la remise en conformité. La garantie est également suspendue en cas de négociation entre le consommateur et le professionnel en vue d’un règlement amiable.

Les mises à jour

L’ordonnance n°2021-1247 du 29 septembre 2021 organise également aux nouveaux articles L224-25-24 et suivants du code de la consommation les modalités de mises à jour, décrites comme « les mises à jour ou les modifications visant à maintenir, adapter ou faire évoluer les fonctionnalités du contenu numérique ou du service numérique, y compris les mises à jour de sécurité, que ces mises à jour soient nécessaires ou non au maintien de la conformité du contenu ou service numérique ».

Le professionnel est ainsi tenu d’informer le consommateur des mises à jour nécessaires et y procéder pendant une période à laquelle le consommateur peut légitimement s’attendre en cas de fourniture ponctuelle ou pendant toute la période contractuelle en cas de fourniture continue.

Le professionnel n’est pas responsable des défauts de conformité résultant de l’absence d’installation des mises à jour requises, à condition bien sûr que le consommateur ait été dûment informé de la nécessité de ces mises à jour et que la défaillance ne résulte pas de lacunes dans les instructions d’installation.

En ce qui concerne les mises à jour non nécessaires au maintien de la conformité du contenu ou service numérique, celles-ci doivent être justifiées par une raison valable et autorisées par le contrat, sans coût supplémentaire pour le consommateur. Le consommateur est en droit de refuser ces mises à jour ou les désinstaller en cas d’incidence négative sur son accès ou utilisation du contenu ou service numérique. Il peut alors obtenir la résolution du contrat dans un délai maximal de 30 jours, sauf si la mise jour n’a eu qu’une incidence mineure ou si le professionnel lui propose de conserver le contenu ou service numérique sans la mise à jour.

Ces nouvelles dispositions d’ordre public sont applicables à compter du 1er janvier 2022 à tous les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques.

 

Pauline Kubat – avocate au Barreau de Lyon
Cet article a pour objet d’apporter une information générale sur le sujet abordé. Pour votre problématique spécifique, un conseil spécialisé est recommandé.

(Article initialement publié sur soulier-avocats.com)

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